Prix de l'Académie du Berry - 2011


REMISE DES PRIX DE L’ACADÉMIE DU BERRY


2O11


samedi 15 octobre 2011, à La Châtre (36)



à M. David Gaillardon , lauréat 2011


Par


                                      Catherine RÉAULT-CROSNIER,

                                  Présidente du prix de l’Académie du Berry


                               

                                                                                                                                                                 

                                               

                                                                                                                                                                                                 

                                             


            Le prix de l’Académie du Berry est remis chaque année, à une personne honorant par son action le Berry, mettant en valeur le patrimoine de cette belle région, les coutumes, l’histoire, les arts. Monsieur Alain Bilot, notre président actuel, m’a nommé présidente de ce prix et je le remercie de sa confiance. Le lauréat 2011 recevra son prix tout à l’heure, sous forme d’une poterie du Berry.


            Cette année, le prix 2011 de l’Académie du Berry récompense le travail de David Gaillardon qui allie créativité, dynamisme et imagination, ce qui lui permet des actions nombreuses et passionnantes.


Sa biographie :


            David Gaillardon est né à Bourges en 1968. Il appartient à une famille présente en Berry depuis le XVIIème siècle et qui, auparavant, était installée en Bourbonnais. Ancien élève de Sainte-Marie de Bourges, après avoir fait hypokhâgne, Sciences-Po et un DEA d’histoire contemporaine, il se tourne vers l’édition. Proche des Dominicains, il entre aux éditions du Cerf, à Paris, comme lecteur. Très vite, il intègre le service communication. À ce titre, il organise plusieurs colloques et expositions autour de la dénonciation de la montée des périls durant l’entre-deux-guerres, de l’engagement des intellectuels chrétiens dans la Résistance ou bien encore de la place de l’art sacré en France depuis 1945. Cette présence au Cerf est l’occasion de belles rencontres : celle de Maurice Schumann, alors président de la Commission des affaires culturelles du Sénat ; du Révérend Père Carré de l’Académie française ; de René Rémond, alors président de la Fondation Nationale des Sciences Politiques ou encore de Françoise Verny, alors directrice de Flammarion.


            En 1997, David Gaillardon publie son premier livre, consacré au Père Maydieu, théologien et philosophe dominicain, grand résistant : l’un des créateurs des éditions du Cerf. Une manière pour David Gaillardon de rester fidèle à ses engagements.


            Très attaché au Berry, il accepte en 1997 de reprendre la rédaction en chef du Berry Magazine, conjointement avec celle du Journal de la Sologne, deux magazines d’art de vivre dont il ouvrira les colonnes à de nombreuses grandes plumes : Claude Michelet, Pierre de Boisdeffre, Claude Seignolle, Nancy Huston, leur donnant ainsi – de l’avis général – une tonalité et une saveur particulières.


En 2005, à l’invitation de Jean de Charon, fondateur du groupe de presse Impact Médecin, il part en Bourbonnais pour participer à la création d’un nouvel hebdomadaire : La Semaine de l’Allier. Il  relève ce nouveau défi avec passion et sa réussite lui vaudra le prix de la « Presse hebdomadaire régionale 2005 ».


En 2006, il a reçu les Palmes académiques avec le grade de Chevalier.


            Il est membre du bureau du Cercle Amical du Berry, aussi appelé les « Berrichons de Paris » (La Gazette, p. 5), l’une des plus vieilles sociétés d’entraide française, créée à la fin XIXe siècle. Cette société compte plus de quatre cents membres, « souvent nés en Berry mais travaillant à Paris. C’est un moyen pour eux de rester en lien avec leur région», commente l’intéressé. Parmi eux, on retrouve des personnalités bien connues des berruyers, tels les ambassadeurs de France François Marcel-Plaisant et Jean de Ponton d’Amécourt, mais aussi des membres éminents comme Marie-France de Peyronnet...


            Depuis 2011, David Gaillardon gère la communication d’un important établissement public français, dépendant du ministère de l’Agriculture et gérant les problématiques liées à la chasse et à la faune sauvage. Le 2 mai 2011, il a pris ses fonctions à l’Office national de la Chasse et de la faune sauvage, à Paris. Il est aussi journaliste et producteur à Canal Académie, la toute jeune « web radio » de l’Institut de France à Paris, quai Conti, où il reçoit régulièrement historiens, écrivains et académiciens, suivant de près l’actualité de l’édition française.


            Ces dernières années, David Gaillardon a publié ou participé à la rédaction de nombreux ouvrages, pour certains liés à l’histoire et au patrimoine du Berry et du Bourbonnais, pour d’autres liés au dialogue entre juifs et chrétiens et à la dénonciation des crimes de la Shoah.



Son portrait :


            Historien, éditeur, homme de presse et de radio, David Gaillardon est un homme jeune, dynamique et profondément humain. Il a confiance en l’autre sans a priori. C’est un homme de rencontre et un passeur, un humaniste et un homme libre qui refuse toute forme d’hémiplégie intellectuelle et tout ostracisme...



Sa production :


            David Gaillardon a publié une dizaine d’ouvrages. S’il a retenu notre attention, c’est parce qu’il a consacré une grande partie de ses écrits au Berry comme au Bourbonnais, en contribuant par exemple à la réalisation de Plein ciel sur le Cher, de L’encyclopédie Berry Cher et Indre, et surtout avec ses dictionnaires Le Parler du Berry paru en 2008 et Le Parler en Bourbonnais, paru en 2010 :


            Luma ou calon... Dans la région, ces mots couramment usités sont si familiers qu’ils semblent sortir du dictionnaire. Oui mais pas du Larousse, plutôt du Parler du Berry. Dans ce lexique, David Gaillardon répertorie les mots et expressions de notre terroir, glanés ça et là lors des rencontres qu’il a fait lorsqu’il était le rédacteur en chef de Berry magazine. Nous approfondissons le parler berrichon malicieux comme « une langue de moqueurs » par exemple avec agonir d’sottises signifiant injurier ; amignauder, flatter ; décalvôtré pour une femme en décolleté ; licherie pour une gourmandise ; ou bien encore embouse-béniot, sobriquet désignant ironiquement l’employé de la ferme qui recouvrait les ruches d’osier (les béniots) de bouse de vache. Nous nous régalons de la richesse de ses images issues du terroir berrichon des siècles passés mais pas si anciens. Si David Gaillardon est à l’aise avec la langue de ses ancêtres, il l’est aussi avec celle de ses contemporains. « J’ai toujours eu l’amour des mots, une passion pour la syntaxe et pour la grammaire, un véritable intérêt pour le rythme, l’allitération et jusqu’au jeu du sens figuré et du sens propre », nous dit-il. Sans doute est-ce ce qui a plu au sénateur Jean Cluzel, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie des Sciences morales et politiques lorsqu’il l’a invité à rejoindre Canal Académie, la web radio qu’il était en train de créer quai Conti. Une radio qui a fait son chemin et qui, aujourd’hui, peut se targuer de recevoir la visite de douze millions d’internautes par an !


            Nous ne devons pas oublier de parler du côté mystique de son œuvre, en particulier dans son livre Lettres à une convertie. C’est le témoignage épistolaire émouvant d’une amitié fidèle entre deux grands chrétiens, Stanislas Fumet, catholique engagé, résistant de la première heure, ami de Maritain et découvreur de Julien Green et de Bernanos, et Berthe Tygel, une jeune juive qu’il a guidée vers la conversion et qui est devenue sa filleule. Pour rassembler, décrypter, annoter les lettres des deux protagonistes, David Gaillardon mettra plusieurs années, vérifiant les noms propres, les noms de lieu et les faits cités, les uns après les autres, interviewant tel ou tel, compulsant les ouvrages traitant de la période et des acteurs concernés. Un travail d’érudition qui se double d’une œuvre militante, d’un engagement au dialogue entre juifs et chrétiens et d’une dénonciation sans appel d’idéologies nauséabondes.


            Avec Marcel Bonin, ancien inspecteur d’académie, David Gaillardon a publié en 2010, Le Parler du Bourbonnais (aux éditions Bonneton). Il s’agit à nouveau, d’un dictionnaire ludique et pédagogique de plus de deux cents pages. Pour ce travail, il a reçu d’ailleurs début octobre 2011, le Prix « Allen en Bourbonnais », des mains du sénateur Cluzel. Ce dictionnaire est également en lice pour le Prix Émile-Guillaumin du Conseil général de l’Allier, qui sera décerné cet automne.


            David Gaillardon a aussi œuvré à la rédaction de nombreuses publications parmi lesquelles il faudrait citer La Route Jacques Cœur, paru en 2003, véritable « déclaration d’amour » d’un érudit au patrimoine du département du Cher.


            Oui, David Gaillardon aborde de très nombreux sujets avec une grande aisance et une qualité littéraire certaine. Il mérite bien le prix de l’Académie du Berry, lui qui nous dit : « J’ai toujours eu pour le Berry un amour quasi mystique et, durant les six années où j’ai occupé le poste de rédacteur en chef de Berry magazine puis du Journal de la Sologne, je me suis efforcé d’en être un ambassadeur zélé (…). » (courriel du 29 octobre 2010) Amoureux des mots du Berry et du beau terroir de France, il excelle par sa plume à défendre sa région natale. Nous sommes convaincus de son dynamisme au service du pays de George Sand, de Marguerite Audoux, de Maurice Rollinat et d’Alain Fournier et par là même, très heureux de lui remettre ce prix sous forme d’une poterie du Berry avec toutes nos félicitations.




Bibliographie :


Agnès Aurousseau, « David Gaillardon parle le Berry couramment », La Nouvelle République du Cher, lundi 29 décembre 2010, p. 9


Bibliothèque Nationale de France, Catalogue Bn-Opale Plus, liste des notices bibliographiques de David Gaillardon


Jean-Claude Bonnet, Présentation de Le Parler du Bourbonnais de David Gaillardon, La Gazette Berrichonne, n° 202 d’octobre à décembre 2010, p. 4


Canal Académie, site Internet http://www.canalacademie.com, fiche de présentation de David Gaillardon dans la rubrique « Nos journalistes »


David Gaillardon, courriel du 29 octobre 2010 à Catherine Réault-Crosnier


David Gaillardon, lettre du 19 novembre 2010 à Alain Bilot


Philippe Martinet, Lettres à une convertie, Courrier français de Touraine, du 7 mai 2010


Olivier Pirot, « La vraie richesse du parler du Berry », La Nouvelle République de l’Indre, du samedi 7 février 2009, p. 21


Alexandra Trépardoux, « David Gaillardon raconte le Berry », L’Écho du Berry, du 4 mars 2009

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Réponse de M. David Gaillardon


Madame,


Vous m’êtes témoin devant cette assemblée que, contacté par vous voici quelques mois, alors que vous aviez émis l’idée de me permettre d’intégrer votre cénacle, j’ai manifesté d’abord un peu d’étonnement puis, tout après, beaucoup de scepticisme.


Plusieurs raisons motivaient cette réponse, que je me dois d’aborder aujourd’hui alors que ‑ précisément ‑ je me retrouve parmi vous à La Châtre et que je m’apprête à pénétrer dans votre académie.


Je collabore régulièrement, ainsi que vous venez de le souligner, à Canal Académie, la web radio de l’Institut de France, où j’ai été appelé par le sénateur Jean Cluzel, son fondateur et aujourd’hui secrétaire perpétuel honoraire de l’académie des Sciences morales et politiques.


Dans notre studio qui occupe les combles de la Mazarine, et d’où la vue porte sur la colonnade du Louvre, le quai Conti et le pont des Arts, j’ai le grand honneur de recevoir et de m’entretenir avec l’un ou l’autre des membres des cinq académies qui forment l’Institut. J’y brosse aussi le portrait d’anciens immortels ‑ étonnante expression en vérité puisque l’immortalité passe le temps ‑ tous académiciens ayant occupé, à un moment ou un autre depuis sa fondation au XVIIe siècle par le cardinal de Richelieu l’un des quarante fauteuils parmi les plus convoités de France.


Vous aurez compris, je pense, quel respect j’éprouve pour le principe académique et pour cet élitisme républicain auquel, aujourd’hui que nos rois blanchissent dans des sépulcres, l’Institut continue de faire écho.


« Mais Monsieur, m’objecterez-vous peut-être, notre académie du Berry ne brille pas des mêmes feux que celle dont vous nous parlez... ». Et c’est là, Madame, que vous aurez tort. Le principe académique est le même partout, qu’on soit à Paris ou aux antipodes, ou bien même en ce pays dogon qu’affectionne tant le président Bilot qui est un ambassadeur aussi dévoué qu’inlassable.


Ce qui motive votre académie et ses académiciens, c’est la propagande, pour reprendre ce vieux mot que seule l’Église catholique ose encore utiliser aujourd’hui tant il a été dévoyé tout au long du XXe siècle par les idéologies les plus perverses. C’est bien entendu de la propagande du savoir que je veux parler ici ; la seule qui vaille et la seule qui attire à votre table des hommes et des femmes désintéressés, serviteurs de l’État ou de l’Industrie ou, comme moi pauvres hères qui, en fidélité à la terre de leurs ancêtres, continuent de défendre l’idée de nature, comme je m’efforce de le faire au sein de l’Office national de la Chasse et de la Faune sauvage.


Commence-t-on d’effeuiller le Grand Livre de votre histoire que, sans remonter bien loin, on se persuade très vite de la qualité de ses membres. Ici l’on remarque un romancier-diplomate, Jean-Christophe Rufin ; là, un prince du sang, pacifiste convaincu et européen d’exception : Otto de Habsbourg dont la mort récente fut, pour celui qui l’avait rencontré naguère en Berry, l’occasion d’un chagrin réel.


Mais au refus que je vous opposai quand vous me fîtes l’honneur de rejoindre votre petit groupe, par peur de ne pas vous être très utile et de ne briller que par mon absence, je vois encore d’autres motifs.


La crainte de me disperser est l’une d’entre elles. Vous n’ignorez pas, Madame, que je suis administrateur du Cercle amical du Berry, parfois surnommé les «
Berrichons de Paris ». Vous avez, je crois, honoré par le passé plusieurs de ses membres, et notamment le premier d’entre eux l’ambassadeur François Marcel-Plaisant, qui en est le président. Dans un moment de ma vie où, sollicité de toutes parts je suis contraint de décliner bon nombre d’invitations, et alors que je suis un administrateur moins assidu que je ne l’ai été de notre cercle parisien, je me devais de vous avouer que, malgré l’amour quasi mystique que je porte à cette terre du Berry que ma famille a travaillé des siècles durant, je n’ai plus guère les moyens de m’y rendre aussi souvent que je le voudrais.


Je pourrais encore gloser longtemps, Madame, mais je crains trop de lasser votre auditoire quand tant d’orateurs restent à présenter qui, eux, comptent à leur palmarès, de vraies réussites et des actions bien plus illustres que les miennes.


Vous me permettrez cependant, aujourd’hui que nous à La Châtre, charmante cité où vous avez choisi de remettre votre prix et de désigner vos néophytes, d’évoquer l’un de ses grands enfants qui fut pour moi plus qu’un ami, j’ose dire un grand-père de substitution, et dont je pleure encore la disparition survenue il y a déjà neuf ans : Pierre de Boisdeffre.


L’auteur des Métamorphoses de la littérature ou de ce pamphlet si drôle, pastiche du Nouveau Roman : La Cafetière est sur la table, était originaire de cette ville où ses ancêtres Néraud ont joué un rôle important, comme le savent les lecteurs de la Bonne Dame de Nohant. En revenant ce matin à La Châtre, comme je passais devant la maison de la place du Marché où je vins si souvent quand je m’occupais de la revue Berry, je songeais à nos promenades dans le Boischaut, à nos déjeuners toujours trop copieux (car l’homme était un gourmet) et à nos discussions sur la littérature. Lui cherchant à me convaincre du génie de ses chers auteurs sud-américains et moi de l’originalité de mes chers romanciers de l’Europe orientale.


Ce temps n’est plus, hélas, et Pierre de Boisdeffre s’en est allé rejoindre ce Parnasse dont il doit déjà être devenu le critique littéraire avisé. Et s’il est un nom que votre assistance doit bien retenir aujourd’hui, au cœur de ce Boischaut que nous aimons tant, c’est celui de Boisdeffre à côté duquel celui de votre récipiendaire compte bien peu.


Je vous remercie.

                                                                          David GAILLARDON

 
Dernière modification : 13/11/2011
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