Prix de l'Académie 2024

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Remise du Prix de l'Académie par :

Mme Monique DELCLAUX

Présidente du Prix de l'Académie du Berry

 

à M. Olivier PRISSET

"ALFRED, HENRY ET LOUIS DAUVERGNE

Expansion et réussite d'un cabinet d'architectes "

 

 

 

 

Cette année 2024, le Prix de l’Académie du Berry a été décerné à Olivier Prisset pour son ouvrage, récemment paru, « Alfred, Henry et Louis Dauvergne (1824-1937), Expansion et réussite d’un cabinet d’architectes, Ed. Honoré Clair, 336 p.

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Cet ouvrage est la synthèse d’une thèse de doctorat brillamment soutenue par Olivier Prisset, en 2021, à l’Université Rabelais de Tours. L’auteur a passé six ans avec les Dauvergne, compte tenu de l’activité de ces architectes qui ont mené plus de 1900 chantiers sur environ 1300 édifices et de l’abondante documentation qui subsiste, principalement aux archives départementales de l’Indre où elle occupe 80 mètres linéaires.

 

 

Le résultat de ce travail de recherche permet d’appréhender le fonctionnement, dans le détail et sur la durée, d’une agence d’architectes provinciaux, au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, à un moment où la France du Second Empire et de la Troisième République se dote d’infrastructures et d’équipements nouveaux, qui vont irriguer tout le territoire jusque dans les plus petites communes. Il permet aussi de mettre en évidence le rôle crucial des architectes départementaux, alors que peu d’études ont été entreprises en France sur ce sujet.

 

Alors qui étaient les Dauvergne ?

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Alfred Dauvergne, le père, a fait des études aux Beaux-Arts de Paris et c’est en 1850 qu’il ouvre un cabinet d’architecte à Châteauroux. Il exerce seul jusqu’à ce que son fils ainé, Henry, le rejoigne en 1876 après avoir également fait ses études aux Beaux-Arts de Paris. Cette formation reçue par les Dauvergne aux Beaux-Arts les distingue des autres architectes actifs dans l’Indre au début de la période considérée. Après la mort d’Alfred en 1885, Henry reprend seul le cabinet jusqu’à sa mort en 1917.

 

Alfred et Henry ont principalement exercé dans l’Indre alors que Louis le cadet a fait une carrière parisienne. C’est notamment Louis Dauvergne qui a construit, rue de l’Alboni dans le XVIème arrondissement, les deux immeubles, donnant sur la Seine, qui encadrent la trouée du métro qui va vers la station Passy. Ces immeubles furent construits initialement pour servir d’hôtels lors de l’exposition universelle de 1900. Louis Dauvergne est aussi connu pour avoir construit l’Hôtel de Ville de Maisons-Laffitte et reconstruit l’église Saint-Pierre de Neuilly.

Quant à Alfred et Henry, leur cabinet, basé à Châteauroux, fut très productif, le plus productif du département et des département limitrophes. Leurs activités ont été multiples et diversifiées et il en est de même de leurs commanditaires.

Les cinq premiers chapitres sont consacrés aux commandes reçues par le cabinet Dauvergne.  Alfred et son fils Henry furent nommés « architectes départementaux », Alfred à partir de 1851 et Henry à partir de 1884. Alfred fut aussi, à partir de 1866, architecte de la ville de Châteauroux. A ce titre, le cabinet Dauvergne était chargé de l’inspection et de l’entretien des bâtiments publics ce qui supposaient des tournées régulières dans tout le département et de multiples interventions. Mais ils eurent aussi à réaliser les programmes nationaux ce qui les amena à construire des bâtiments officiels, tels les quatre palais de justice du département (Châteauroux, Issoudun, La Châtre, Le Blanc) ; des sous-préfectures, notamment celle de La Châtre, des mairies (Vatan, Vandoeuvre…), la caserne d’infanterie de Châteauroux, la maison d’arrêt du Blanc etc.

Un autre champ d’activité fut la construction ou l’aménagement d’un grand nombre d’écoles. Les lois Guizot et Falloux obligèrent les communes de plus de 300 habitants à construire une école primaire de garçons et celles de plus de 500 habitants à construire une école pour les filles. Ils bâtirent 71 écoles et en aménagèrent beaucoup d’autres. Ils construisirent également les écoles normales d’instituteurs de Châteauroux.

 

A côté de la commande publique, très importante aussi fut la commande religieuse à un moment où l’Église voulait installer un desservant dans toutes les paroisses. Le cabinet Dauvergne est intervenu dans 166 bâtiments religieux. 38 églises et 18 chapelles sont des constructions nouvelles. Ces constructions venaient pour la plupart remplacer des églises en très mauvais état et que l’on a préféré détruire plutôt que restaurer, même si elles étaient romanes. Les Dauvergne proposaient des plans types selon la somme dont on disposait. Dans les autres églises, ils intervenaient pour des réparations, des agrandissements, pour construire des sacristies. Ils ont aussi restauré bon nombre de presbytères et sont intervenus dans les établissements scolaires privés notamment à Châteauroux et Saint-Gaultier. A Pellevoisin, à la demande de la comtesse Marie Luce de la Rochefoucauld, après les apparitions de la Vierge à Estelle Faguette, ils construisirent un couvent pour des dominicaines.

Ce ne sont que quelques exemples, on peut aussi citer le sanctuaire Notre-Dame d’Issoudun, le petit séminaire de Saint-Gaultier et bien sûr les églises de Châteauroux : Saint-André et Notre-Dame par Alfred,  et celle de La Châtre par Henry Dauvergne, après l’écroulement du clocher qu’il avait lui-même construit !

 

On fit aussi appel à eux pour bâtir, rénover ou restructurer des usines : la manufacture de tabacs de Châteauroux en 1859-1860 en est un bon exemple, de même la manufacture de draps des Balsan en 1862-1867. Ce sont les plus importantes réalisations dans ce domaine. Leurs agencements montrent une adaptation des architectes à la production spécifique de ces usines : construction à étages pour la manufacture des tabacs et plan horizontal pour la manufacture de draps.

 

En règle générale les Dauvergne semblent avoir été très attentifs aux goûts de leurs divers commanditaires et se sont efforcés de répondre à leurs attentes. C’est ce que met bien en évidence Olivier Prisset dans son travail : l’ornementation, la décoration ne sont là qu’à la demande du commanditaire.

 

Enfin la commande privée représente un tiers de leurs activités, ce qui n’est pas négligeable. Ils ont mené 369 chantiers pour une clientèle très variée. Des commerçants qui faisaient faire ou refaire leurs boutiques, des notables qui se faisaient construire une maison de campagne, comme le docteur Pestel à Saint-Chartier.  Des châtelains ont fait appel à eux pour s’occuper des bâtiments de leurs châteaux et de leurs domaines. Ainsi ont-ils été pendant 45 ans les architectes de Valencay au service du duc de Talleyrand-Périgord.  Alfred joua un rôle identique auprès de la famille Crombez à Lancôme où il fit des aménagements extérieurs et intérieurs importants ; il alla jusqu’à dessiner les meubles (cheminées, dessertes et chaises) de la salle à manger. Au total ils intervinrent dans 106 châteaux pour des constructions ou des aménagements, par exemple pour organiser une salle de billard, ce qui était très à la mode au XIXe siècle, ou installer le chauffage par calorifère ou créer une salle de bain. Au château de Bouges, ils modernisèrent les écuries.

 

Dans le chapitre 6, est décrit plus particulièrement le fonctionnement du cabinet :  son personnel, ses revenus, ses rapports avec l’artisanat et les entrepreneurs. Il est aussi question des relations avec les financiers, banques et assurances, utiles pour financer des projets. La préservation et la restauration de monuments historiques échurent également aux Dauvergne qui occupèrent la place laissée vacante par l’absence d’architectes des M.H. Toutefois, ils eurent dans ce domaine un rôle mineur, peu de bâtiments étant jugés digne par la commission des monuments historiques d’être restaurés dans l’Indre.

 Ceci n’est qu’un petit aperçu d’un livre passionnant, très bien écrit et très bien illustré, qui convoque aussi bien l’histoire de l’art que l’histoire politique, sociale et culturelle, que l’histoire des métiers et des techniques.

Par ailleurs c’est une belle mise en lumière d’un patrimoine ignoré ou mésestimé, qui demande aussi à être protégé. Après la lecture de cet ouvrage, on ne peut qu’avoir un nouveau regard sur ces productions du XIXe siècle.

 

La Présidente du Jury Mme Monique DELCLAUX

 

 
Dernière modification : 01/11/2024
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