ACADEMIE DU BERRY
IVème Rencontre des Académies de la Région Centre
Samedi 13 Octobre 2012
Crédit Agricole Centre Ouest de CHATEAUROUX
Le Président de l’Académie du Berry Alain Bilot, Officier des Arts et des Lettres prononce quelques mots d’accueil. Parmi les personnalités présentes, il remercie en particulier Mme. P. Picard, Présidente de la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Indre et M. J-M. Degay, Président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de l’Indre qui ont aidé au choix judicieux de notre lieu de réunion : la belle Salle de conférences du Crédit Agricole Centre Ouest de Châteauroux mise à notre disposition par Mme. I. Brisson, Directrice. Il remercie chaleureusement le Conseil général de l’Indre dont son Président M. le Sénateur L. Pinton ainsi que M. S. Descout, son Vice-président pour l’attribution à l’Académie du Berry d’ une généreuse subvention en faveur de cette Rencontre. Il présente les excuses de nombreux élus empêchés par des obligations liées à leurs mandats. Il remarque la belle assistance – plus de cent vingt personnes - dont des responsables de nombreuses associations culturelles qui font la richesse intellectuelle de notre Région. Le Cercle Amical du Berry (C A B) était représenté par la Comtesse de Peyronnet, Vice-présidente et M. J- C. Miskovsky, Directeur de la « Gazette Berrichonne de Paris ».
D’un commun accord entre les quatre Académies - l’Académie du Centre, l’Académie du Berry, l’Académie d’Orléans et l’Académie de Touraine- le thème retenu : « Les Personnalités du Passé en Région Centre » avait pour objectif de révéler des individualités victimes d’un injuste oubli malgré leurs apports originaux aux Sciences, aux Lettres ou aux Arts.
ACADEMIE d’ORLEANS
La parole fut en premier lieu donnée à M. Joseph Picard, Président de l’Académie d’Orléans qui présenta :
M. Pierre Bonnaire, Ingénieur général honoraire du Génie Rural, des Eaux et Forêts, Président fondateur de la Société des Amis de la Forêt d’Orléans et Membre du Conseil d’administration de l’Académie d’Orléans. Pierre Bonnaire fit un brillant exposé sur :
Henry-Louis DUHAMEL du MONCEAU (1700-1782), un Européen du siècle des Lumières » est physicien, agronome et botaniste. Membre de l'Académie royale des sciences dont il est trois fois Président, il laisse une œuvre importante comme écrivain scientifique dans des domaines aussi variés que la construction et le service des vaisseaux, la pêche la culture et la conservation du froment et la gestion des forêts. Inspecteur général de la marine, il crée en 1741 une école de marine qui deviendra l’école du Génie maritime. Son goût pour les problèmes concrets, l’expérimentation et la vulgarisation en font l'un des fondateurs de l'agronomie et de la sylviculture modernes. En 2000, l’Académie d’Orléans a commémoré le tricentenaire de Henry-Louis Duhamel du Monceau.
M. Claude-Henry Joubert, Docteur ès Lettres – ex-Directeur du Conservatoire d’Orléans, puis de l’Institut de Pédagogie Musicale et Chorégraphique de la Villette a enseigné la musique et la littérature médiévale. Sa communication intitulée «Jean Le Marchant, auteur de la fin du XIII ème siècle des Miracles de Notre-Dame de Chartres » lui a permis d’évoquer avec lyrisme les grands auteurs médiévaux de Miracles en langue française du XIIIe siècle, notamment Adgar l’anglo-normand, Gautier de Coinci, prieur à Soissons, mais surtout Jean le Marchant auteur des « Miracles de Notre Dame de Chartres » soit trente-deux miracles versifiés en octosyllabes dans lesquels il est question de Chartres, Blois, de Bonneval, du Berry, de Châteaudun, d’Orléans.
ACADEMIE de TOURAINE
La deuxième Académie à intervenir fut l’Académie de Touraine sous la Présidence de M. Jean-Marie Couderc qui fit l’éloge de ses deux confrères-conférenciers :
M. Jean-Pierre Lautman, Instituteur honoraire est l’ardent défenseur de « Paul-Louis COURIER (1772-1825)Militaire, Epistolier et Pamphlétaire ». Secrétaire général des Amis de Paul-Louis Courier, il a en 2001 exposé aux Invalides
la vision de Courier sur l'armée et la guerre. Son livre : Paul-Louis Courier ou la plume indomptée avait été évoqué par Bernard Pivot dans une de ses émissions littéraires. De nombreux extraits d’articles de P-L Courier sur l’expédition de Napoléon en Calabre illustrèrent les cruautés, les exactions inadmissibles des troupes sur la population calabraise, vivement dénoncées en toute objectivité par le fameux pamphlétaire. Un sérieux doute plane toujours sur les véritables causes de l’assassinat de cet esprit indépendant.
M. Jacques Borowczyk est Maître de conférences honoraire de Mathématiques à la Faculté des Sciences de Tours et Trésorier de l’Académie de Touraine. Il est une des chevilles ouvrières du Dictionnaire des Scientifiques tourangeaux en cours de rédaction.Chercheur passionné abordant tour à tour les mathématiques, la statistique, la physique ou l’astronomie, il est particulièrement spécialisé en Histoire des sciences. Son sujet « Le Général Meusnier de la Place (1754 – 1793), géomètre et ingénieur » décrivit une personnalité dont la renommée est loin de celle de ses collègues Monge et Berthollet malgré ses travaux novateurs dans les domaines de la chimie en particulier sur la composition chimique de l’eau.
A partir de 13h, une cinquantaine de personnes se retrouva au restaurant « La Manufacture » dans l’enceinte de l’ancienne Manufacture des tabacs rénovée où un repas de qualité fut servi.
Après moult rebondissements dans son emploi du temps, notre invité de marque le Dr Jean-Christophe Rufin de l’Académie du Berry et de l’Académie française put nous rejoindre dés 14h.
Conférence du Dr. Jean-Christophe RUFIN.
Les travaux reprirent à 14 h 30. le Dr. Catherine Réault-Crosnier, Membre du Haut Conseil de l’Académie du Berry et Présidente des Amis de Maurice Rollinat présenta chaleureusement le Docteur Jean-Christophe Rufin ; elle souligna son fervent attachement à l’Académie du Berry qui le reçut à Bourges en mars 2003 soit six ans avant son entrée à l’Académie française.
Présentation de Jean-Christophe Rufin par le Dr Catherine Réault-Crosnier
Pendant une heure et demie, Jean-Christophe Rufin a ravi l’assistance en parlant très simplement mais passionnément de la genèse de son dernier roman « Le Grand Cœur ».Né à Bourges, notre académicien pensa un moment écrire sur sa Cathédrale mais abandonna vite cette idée. Il se plongea alors dans les ouvrages relatifs à Jacques Cœur mais ne fut guère séduit par le sujet. Est-ce le chemin de Saint Jacques de Compostelle qui l’inspira ? le fait est qu’il décida d’écrire un récit sur le fameux banquier, aventurier et homme d’affaires berruyer. Il a vu en Jacques Cœur un personnage novateur, fascinant à la charnière du Moyen Age et du capitalisme moderne. D’un commun accord avec son épouse, il anticipa qu’un tel roman même historique allait rencontrer un simple accueil d’estime de quelques milliers de lecteurs. Il était loin d’imaginer le succès de son roman et sa femme partageait ses doutes !!!…le tirage du livre dépasse les 200 000 exemplaires et continue à se vendre régulièrement. Jean-Christophe Rufin dit avoir été habité par son personnage et de n’avoir de ce fait négligé aucun paramètre de cette vie pleine de rebondissements. Là réside le succès de cet ouvrage sur une belle page de l’Histoire de France et du Berry.
Il restait quatre communications avant de conclure cette savante journée.
ACADEMIE du CENTRE
M. Jean-Pierre Surrault, Président, présenta ses deux confrères de l’Académie du Centre :
M. Jacques Dupré, ancien Président de la Société Généalogique du Bas-Berry est l’auteur de nombreux articles sur les familles de Châteauroux et du Berry. Jacques Dupré va évoquer un personnage totalement oublié : le Sergent Venail (1867-1923), Héros de Fachoda. Né à Châteauroux, Henri Venail s’engage dans l’infanterie de marine pour ,dit-il, ‘voir du pays’. Il participe à de périlleuses missions en Afrique notamment celles sous les commandements du Capitaine Marchand avec lequel il se heurta souvent et du Commandant Monteil. De par son courage il se forge une véritable notoriété. Il terminera sa carrière militaire avec le grade de Capitaine. Retiré en famille dans sa ville natale, il fréquente alors la bonne société Castelroussine. Une rue de Châteauroux porte son nom.
M. Pierre Remérand est ancien professeur à l’Ecole d’Architecture de Paris ,
Président des Amis du vieux Châteauroux, auteur de nombreux articles sur l’architecture du Berry dont l’Abbaye Notre-Dame de Déols et sur l’Indre.
Pierre Remérand nous entraine dans le monde de l’impressionnisme grâce à « Albert Aurier, découvreur de Van Gogh ». Albert Aurier né le 5 mai 1865 à Châteauroux obtient son diplôme d’avocat en 1888 mais son tempérament d’artiste lui fait préférer la littérature et la peinture au Barreau. Il suit les cours d’Histoire de l’art à l’Ecole du Louvre et fait la connaissance du peintre Emile Bernard ami de Van Gogh et Gauguin. Découvrant les tableaux de ces peintres alors rejetés et inclassables, il fonde le «Mercure de France» dans lequel il rédige des articles prémonitoires sur le génie de ses amis peintres. Pierre Remérand nous fait partager son rêve de Musée imaginaire : en effet les héritiers d’Albert Aurier conserveront quelque temps une dizaine de toiles de Van Gogh et Gauguin à Châteauroux…
ACADEMIE du BERRY
Dernière Académie à entrer en lice : l’Académie du Berry. Le Président Alain Bilot prit la parole pour présenter les deux intervenants :
Le Chancelier de l’Académie du Berry, le Docteur Maurice Bazot a exercé sa carrière médicale au sein des armées. Médecin-général inspecteur, Professeur agrégé du Val-de-Grâce, il a assuré la direction de cette institution de 1989 à 1995. Passionné d’architecture et d’Histoire, il a présidé la commission mixte Défense-Culture chargée de la restauration de l’ex-abbaye royale du Val-de-Grâce.
Avec sensibilité, le Professeur M. Bazot a évoqué celui qu’il considère comme un modèle : M. le Professeur Jean-Charles Sournia ( 1917- 2000 ), un des derniers humanistes médicaux.
Né à Bourges où il vécut jusqu’à l’âge de 15 ans, J-C. Sournia intégrait l’Ecole de santé militaire de Lyon pour accomplir ses études de médecine. De retour à la vie civile, il exerçait en tant qu'agrégé de pathologie chirurgicale en Syrie, au Liban, en France avant de s'engager dans une carrière de médecin de santé publique où il excella, occupant des postes prestigieux, en particulier celui de Directeur général de la santé au Ministère de la Santé, de Président du Haut Comité d’études et d'information sur l’alcoolisme et du Club européen de la santé. Son œuvre monumentale et novatrice traite de la pratique médicale et de la santé publique, de l’Histoire, de la lexicologie et les dictionnaires. Membre de nombreuses sociétés savantes, françaises, étrangères, sa notoriété hors frontières était grande. Pour ce savant d’une vaste érudition, grand humaniste, "il ne saurait être de bonne médecine sans une connaissance approfondie de l’Homme et la société dans laquelle le médecin exerce.". J-C Sournia était profondément attaché à sa ville natale dont une rue porte désormais son nom.
M. Georges Buisson fut Administrateur du Palais Jacques Cœur à Bourges et de la crypte de la Cathédrale de Bourges. Il s’attacha particulièrement à la promotion du Domaine de George Sand à Nohant. Il est actuellement Président de l’Association de Préfiguration de la Maison de Poésie en Pays de George Sand au Magny (Indre).
Georges Buisson va entrainer son auditoire non pas chez George Sand romancière, mais dans l’univers de George Sand rêvant de République avec ses fidèles amis berrichons socialistes. Aurore Dupin reçut à Nohant une éducation conservatrice venant de sa grand-mère. Après un mariage raté, elle obtient sa séparation de corps et de biens d’avec son mari grâce à Michel de Bourges, l’avocat républicain esprit brillant pour lequel elle éprouva une vraie passion. Pierre Leroux, saint-simonien et socialiste convaincu sera longtemps le maître à penser de G. Sand. « Alors cherchant la vérité religieuse et la vérité sociale dans une seule et même vérité » elle admire avec humilité l’Abbé Félicité de Lamenais, apôtre de la démocratie mais aussi de la théocratie. Parmi ses « Amis Berrichons » tous issus de bonnes familles, mais animés de l’idéal commun de rêve républicain, Georges Buisson évoque: Alphonse Fleury avocat, élu représentant du peuple en 1848, Charles Duvernet, fondateur avec elle en 1844 de « l’Eclaireur de l’Indre et du Cher » journal local à tendance républicaine dans lequel G. Sand écrira des articles. Ernest Périgois, membre de la grande bourgeoisie castraise mais classé parmi les « rouges », il sera emprisonné puis assigné en résidence en 1852. Georges Buisson mentionne aussi le Docteur Papet, Jules Néraud dit « Le malgache » et Emile Aucante condamné à la prison puis assigné à résidence à Nohant chez George Sand. Le seul étranger à ce milieu social fut Jean Patureau-Francoeur de Châteauroux, vigneron de son état et marchand de fromages et d’oeufs. Fervent républicain, autodidacte, il fut élu Maire de Châteauroux en 1848, arrêté puis « transporté » en Algérie en 1852 : après avoir été gracié sur l’intervention de G. Sand, il repartira en Afrique avec sa famille où il terminera sa vie.
Lorsque George Sand apprend la proclamation de la seconde République, depuis Nohant elle s’empresse de rejoindre à Paris ses amis républicains. Ledru-Rollin et Alphonse de Lamartine lui confient la rédaction de certains éditoriaux du « Bulletin de la République ». Ce rêve restera un rêve, quatre ans plus tard ce sera le Second Empire.
Il appartenait à M. le Professeur Bazot, Chancelier de l’Académie du Berry de conclure cette IVème RENCONTRE des ACADEMIES de la REGION CENTRE.
Soulignant que cette journée fut à la fois conviviale et solennelle réunissant pour la quatrième fois nos quatre Académies, notre Chancelier remarqua que les exposés brillants des orateurs nous avaient permis de traverser les siècles, du XIII e au XX e. A travers ces personnages évoqués, nous avons retrouvé presque tout l’éventail des disciplines illustrées dans nos académies ; littérature, poésie, sciences, médecine, fonction militaire. « Mais à un degré de plus, questionna-t-il , peut-on donner un sens à nos travaux d’aujourd’hui ? Faut-il se limiter à un sentiment d’autosatisfaction qui laisserait dans l’ombre les propos critiques de ceux qui voient dans les « gagadémies » le refuge de retraités nostalgiques ? Non, il faut le proclamer avec force ; nous jouons un rôle dans cette société en crise, crise économique, certes, mais aussi crise morale et sociale où chacun perd et cherche ses repères.
Comme d’autres pays, la France est confrontée à un multiculturalisme galopant qui érode la tradition nationale. Par démagogie, d’aucuns évitent d’évoquer notre héritage socioculturel. L’enseignement de l’Histoire, lorsqu’il n’est pas supprimé, gomme de ses tablettes les grands personnages du passé. Pourtant un arbre ne saurait tenir sans racines, même s’il convient d’accepter sur certaines de ses branches des greffes susceptibles d’en magnifier parfois les fruits…
Des racines ! C’est dire l’importance de l’Histoire - et de l’histoire des hommes - que nous avons encore aujourd’hui contribué à placer sur le pavois. A notre modeste niveau, nous constituons une force vive qui contribue à la cohérence et la pérennité de nos structures nationales.
A de prochaines et fructueuses réunions ! »
Ainsi se conclut sur cette note d’optimisme réaliste cette journée à marquer d’une pierre blanche où nos Académies ont contribué à la défense de « Personnalités du Passé en Région Centre ».
Pour le Haut-Conseil de l’Académie du Berry,
Le Clavaire-Secrétaire général
Michel Delaume